En cette journée qui débutait planait un vent de colère : la colère d’un simple mortel face aux éléments, la rage face au déchirement. En ce jour s’écrivait la page d’une nouvelle ère : une ère de solitude et de nostalgie. Car il marchera comme d’habitude mais sans lui. La bougie qui guidait ses pas s’éteignit aussitôt que ce monstre eut surgi. Mais il en était ainsi…
C’est les poings serrés, crispés par la douleur, qu’il se releva en pleurs. Le vent sifflait autour de lui tandis qu’il fixait son chien non loin de la grotte où il avait dormi. En réalité l'animal n’était plus visible, protégé sous son manteau de neige quelques pieds sous terre. Seule une grosse pierre posée là témoignerait de son passage sur Terre, insignifiant face à celle-ci et pourtant si important pour son ami. Il s’accroupit pour graver quelque chose sur la pierre avec une flèche de sa turbalète puis il sécha ses larmes et se releva, sachant qu’il fallait continuer à vivre. Des songes l’emportèrent quand il toucha du bout des doigts – pour une raison obscure – son épée par-dessus son épaule… Après ce moment de recueillement, il finit par se retourner, toujours aussi silencieux.
– Je fais dos à ta dernière demeure mais tu resteras toujours dans mon cœur Tchyéstskoy. Je vais partir maintenant, ajouta t-il un peu gêné.
Il partit alors poursuivre sa route. Ses pas étaient lents, sans vigueur, sans ardeur. Il essayait de penser à autre chose, faire comme si de rien n’était. Un peu plus tard un sourire apparut même sur son visage car il lui vint en tête qu’il ne fallait pas voir ce qu’il avait perdu mais plutôt tout ce qu’il avait gagné comme moments précieux avec son animal. Le temps s’éclaircit peu à peu. Il n’y avait plus de vent et le soleil était un peu moins caché. C’était un bonheur rare qui tomba à point nommé. L’humain solitaire marchait maintenant d’un bon pas et semblait moins accablé. Il fouillait dans ses poches afin de s’occuper comme il pouvait en avançant. Il est vrai que le décor était certes beau mais s’étendait à n’en plus finir tant les espaces étaient grands. Nul obstacle ne permettait de garder en suspens certaines parties du trajet à venir. Tout était prévisible ; du moins en théorie car personne n’était à l’abri d’une crevasse camouflée, d’un lac gelé sous la neige ou d’autres pièges de cette nature malicieuse.
Alors que tout semblait paisible, il remarqua un détail étrange au loin… Il s’arrêta pour mieux voir et appuya sur un bouton de son masque sous sa tempe. Les verres devant ses yeux entrèrent en rotation pour agrandir ce qu’il voyait par un mécanisme optique assez moderne et compact. Aidé de cette paire de jumelles high-tech, il distingua aisément un sac à dos par terre sans personne autour.
Qu’est-ce que cela veut dire ? Qui abandonnerait ses affaires de la sorte alors même que tout bien est si précieux dans cet endroit ?
Vivement intrigué, il se mit à courir en direction de l’objet. Après une trentaine de secondes il arriva à proche distance du sac isolé. Mais à ce moment précis il sentit le sol se dérober sous ses pieds accompagné par un bruit de neige peu rassurant. Il ne comprit que trop tard qu’une crevasse venait de le piéger. La neige qui obstruait le trou s’affaissa en un éclair comme avalée par le sol affamé. Il trébucha et s’étala sur la neige juste devant le sac tandis que ses jambes se retrouvaient dans le vide. Il tenta de se retenir par réflexe en faisant des mouvements de bras comme s’il nageait sur place. La neige molle se désagrégeait à chaque brassée sans lui offrir une quelconque adhérence pour s’agripper. La panique l’envahit, l’adrénaline montait en lui tandis qu’il se débattait. Il prit le risque de retirer un bras du sol pour prendre une flèche à sa ceinture. Cela entraina sa chute dans le gouffre mais ni une ni deux il empoigna la flèche et la planta contre une des parois glacées de la crevasse pour stabiliser sa position. Par miracle cette opération fonctionna. Suspendu dans le vide, il s’agrippait au bout de métal salvateur. Grâce à ce moment de calme relatif il put reprendre ses esprits et analyser la situation. Son regard se dirigea en priorité vers le bas. Par chance la faille était peu profonde : peut être quatre ou cinq mètres maximum. Il vit aussi que les parois étaient peu éloignées, ce qui allait lui permettre de pouvoir escalader en s’appuyant de chaque coté avec ses pieds. Mais alors qu’il reprenait son souffle tout en réfléchissant, la glace maintenant le piton improvisé se brisa soudainement sous son poids. Il essaya de freiner sa chute mais ne put éviter l’irrémédiable fond du précipice. Fort heureusement celui-ci était tapi de poudreuse qui lui permit de s’en sortir sans trop de dégât.
– Haahooo ! Au moins je ne tomberai pas plus bas… enfin j’espère, ajouta t-il au bout d’un moment en réalisant que sa blague pouvait ne pas en être une.
Je suis bon pour un peu d’escalade je crois, pensa t-il en soupirant.
Il s’approcha d’une des deux parois puis de l’autre pour en tapoter la surface et juger de sa solidité. Il prit ensuite deux flèches en main mais se rappela quelque chose. Il les remit alors à sa ceinture en remuant la tête de gauche à droite avec un sourire en coin, se sentant un peu bête. En effet il avait dans sa besace deux petits piolets d’escalade qu’il avait oubliés dans la précipitation. Pour parfaire son équipement, il tapa de la pointe du pied sur le talon de l’autre et inversement, cette manipulation enclencha un mécanisme qui déploya deux piques à l’avant de chaque botte. Ces piques étaient justement dédiés à l’escalade sur glace. Enfin adéquatement équipé, il se mit à grimper en se servant des deux parois comme d’un étau pour prendre ses appuis. Il envoya son piolet s’encastrer dans la glace d’un coup de bras assuré puis planta les piques de sa botte droite plus bas. Il prit appui et d’une détente monta pour faire de même de l’autre coté. Il s’élevait de manière sure et prudente, martelant la glace du bruit aigu de son métal froid. Un coup à gauche, un coup à droite… Il en était déjà à mi-hauteur quand il crut entendre un bruit provenant d’en bas. Il s’arrêta une seconde et repartit sans y prêter guère plus d’attention. Il entendit de nouveau un bruit, cette fois ci c’était sur. Il connaissait ce son, c’était… c’était un gémissement, une voix humaine. Il se souvint alors dans un flash immédiat du sac à dos en haut.
Mais oui, bien sûr ! Ce sac n’a pas été abandonné. Une personne a dû tomber dans cette crevasse par mégarde. Le malheureux est peut être là depuis un bon moment déjà. Il faut que je redescende, et vite !
Il s’empara d’un filin d’acier qu’il avait sur lui et le fixa à son piolet alors ancré dans le mur. Il put ainsi descendre en rappel là où il ne pensait jamais retourner. Il tendit l’oreille mais n’entendait plus rien.
Aurais-je rêvé ? Il n’y a peut être personne, songea t-il en sachant que la solitude pouvait parfois jouer de vilains tours.
– Y a-t-il âme qui vive ? Identifiez-vous ! Dit-il maladroitement d’un ton peu engageant. Hé ho ?!
Toujours aucun son ne se manifesta. Il s’agita alors à brasser la poudreuse de ses pieds pour essayer d’y dénicher quelque chose ou quelqu’un. Evidemment il pensa à rétracter les pointes métalliques de ses bottes avant de s’employer à cela ! Il remuait la neige dans tous les sens de façon quasi frénétique sans rien trouver jusqu’à tomber sur une masse dure dans la neige. Il se laissa tomber à genoux et balaya la neige avec hâte… Une personne était allongée, recroquevillée sur elle-même et visiblement inconsciente. Il s’attendait à trouver quelqu’un et fût pourtant étonné ou plutôt dépourvu. Il est vrai qu’il n’avait pas vu un autre humain depuis assez longtemps. Ce dernier avait le visage caché par une écharpe mais l’heure n’était pas à la curiosité. Il s’assura qu’il respirait encore et fût soulagé de le constater.
– Hé ho ? Vous m’entendez ? Lui demanda t-il tout en le remuant timidement du bout des doigts.
Il ne semble pas très corpulent mais porter un poids mort tout en escaladant une crevasse risque de me poser quelques menus soucis, ironisa t-il.
Il le souleva et le mit à califourchon sur son épaule pour le porter. Il maintenait ses jambes devant d’une main tout en se rendant compte qu’il ne pourrait pas grimper avec sa seule autre main. Il le reposa donc doucement contre une paroi en l’asseyant puis lui noua autour de la ceinture un baudrier improvisé. Il prit le bout du filin qui jonchait le sol et l’arrima solidement au baudrier de la personne inanimée. Il observa en l’air et déplaça cette dernière à un endroit plus stratégique pour la suite des opérations.
– Ne t’inquiète pas, je ne t’abandonne pas, lui chuchota t’il tout en s’activant.
Il débloqua les pointes de ses bottes et retourna à la partie du filin suspendue. Il l’empoigna pour se hisser jusqu’au piolet en amont ; non sans difficulté car le câble était si fin qu’il lui glissait entre les gants. Une fois arrivé au piolet il attrapa le deuxième planté dans l’autre paroi – sans filin au bout – et se remit à escalader. Il grimpait de la même façon qu’avant de découvrir le malchanceux d’en bas, sauf qu’il était plus rapide. Il avait une raison de grimper plus importante que son seul intérêt. Le filin se déroulait au sol au fur et à mesure qu’il progressait vers la surface. Après quelques minutes il atteignit la bouche de cette vorace faille. Aidé de ses piolets il put cette fois ci se maintenir à la surface, les jambes dans le vide comme la dernière fois. Dans un dernier effort il passa une jambe par-dessus la paroi puis roula par terre.
Me voilà enfin sorti de ce piège. Maintenant reste à remonter cette personne grâce au filin.
Il s’assit à un bon mètre du trou pour ne pas risquer de rompre la neige et planta ses talons face à ce dernier, la corde entre ses jambes. Il tira dessus pour retirer le mou jusqu’à ce qu’une force s’y oppose. Le filin maintenant tendu, il tira plus fort en se penchant en arrière pour soulever l’individu resté en bas. Il l’avait placé à un endroit où il savait qu’aucun obstacle ne viendrait contrer son ascension ou le blesser. Doucement la masse inerte s’élevait dans les airs, ballotée par les mouvements de corde. Il devait peser dans les soixante kilogrammes, ce qui ne rendait pas la tâche facile à son bienfaiteur. Tirée après tirée, il le hissait un peu plus près de la terre ferme jusqu’à ce qu’il réussisse à la voir à la bordure du gouffre. Tout en maintenant la pression sur le filin, il se remit sur ses jambes et recula en forçant sur ses talons pour tracter le miraculé en lieu sur. Une fois éloigné de plusieurs mètres de la crevasse, il lâcha le filin qui commençait à couper ses gants. Il s’approcha de la personne allongée qu’il venait courageusement de sauver alors que rien ne l’y obligeait. Celle-ci commençait à reprendre connaissance et vit alors un étrange personnage avec un masque à gaz.
– Hoo… ma tête. Après un moment il ajouta : Qui, qui êtes-vous ?
Sa voix était celle d’un jeune homme d’une vingtaine d’années, plutôt douce. Il inspirait à première vue – ou plutôt à première entente – la gentillesse et la sympathie.
– Je suis ton sauveur, répondit sans aucune expression l’homme accroupi devant lui.
Le garçon fût surpris de la voix un peu robotisée de son interlocuteur. Elle était assez grave et électronique. Il avait certainement un système audio dans son casque qui lui masquait la figure. Il s’appuya avec ses coudes sur le sol pour se redresser et retira son écharpe tout en regardant l’étrange inconnu. On découvrit alors un jeune homme comme sa voix le laissait présager. Il était blond avec une frange jusqu’aux yeux, yeux d’un vert qui donnait une profondeur à son regard. Son visage était fin et sur sa bouche semblait transparaitre un sourire permanent même s’il ne souriait pas. Il avait deux boucles d’oreille du coté gauche. Il avait l’air gentil, c’est pourquoi le solitaire le serait aussi avec lui car il se fiait toujours à son instinct.
– Mon sauveur ? Pourquoi ? Que s ’est-il passé ? Ajouta t-il en remarquant le filin accroché à sa ceinture.
– Tu vois cette crevasse ? Lui dit-il en montrant du doigt le trou derrière lui.
Le garçon se redressa davantage avec ses poings pour s’asseoir et tourna la tête, découvrant la crevasse.
– Oui, eh bien ? Rétorqua t-il tout en se grattant derrière la tête car une blessure lui faisait mal, bien qu’elle semblait s'être arrêtée de saigner depuis un moment.
– Je t’en ai sorti. Ton sac à dos t’a sauvé la vie.
– Mon sac à… Il interrompit sa question en remarquant un sac à dos près du gouffre. Je ne me souviens pas, conclut-il.
– Il faut dire que tu as une jolie bosse sur le crâne. Laisse-moi donc te soigner.
Le jeune acquiesça d’un sourire. Il était encore déboussolé alors il préféra se laisser aider. Après un soin attentionné sans dire mot, ils avaient noué un début d’amitié malgré ce silence.
– Ainsi dis tu que je suis tombé dans cette crevasse ? Mais depuis combien de temps ?
– C’est à toi de me le dire.
– Je… je ne me souviens plus de rien, tout est si flou.
– Quel âge as-tu ? Demanda t-il dans le but de tester sa mémoire.
– Dix-neuf ans.
– Me voilà rassuré, tu n’as pas tout oublié !
– Et que faisais-je dehors dans ce froid ? Je n’ai jamais vu un temps si mauvais.
L’homme eût un frisson qui le figea sur place en entendant cela. Il fût déconcerté par cette réponse et répondit alors avec des gros yeux :
– Tu plaisantes ? Comment peux-tu être étonné de ce climat ? Il a toujours été ainsi. De plus aujourd’hui est une journée plutôt chaude.
Il regarda le thermomètre à sa montre et précisa :
– Il ne fait que deux degrés Celsius en dessous de zéro.
Le garçon blond semblait un peu perdu.
– Je n’ai pas souvenir d’un tel temps. Tu peux me ramener au chaud chez toi en attendant que je recouvre la mémoire ? Je ne sais plus où j’habite ni même comment je m’appelle, remarqua t-il apeuré tout en l’énonçant.
Il a perdu une partie de sa mémoire sur des choses aussi bien personnelles que très générales comme celles concernant Niflheim. J’espère pour lui que son amnésie ne sera que passagère.
– Je crains hélas que ce ne soit pas possible, expliqua t-il avec tact. Je n’ai pas de « chez moi » et je doute que tu en ais un toi-même. Ce monde est…
Il ne prit pas la peine de terminer sa phrase et détourna le regard vers l’horizon. Il regarda ensuite son interlocuteur et lui tendit une main pour le remettre debout. Tandis qu’il l’aidait à se relever, il reprit la parole :
– Si tu le souhaites, nous ferons route ensemble. Je te protégerai… jusqu’à ce que tu recouvres la mémoire, précisa t-il par précaution pour ne rien lui devoir.
– C’est d’accord ! Merci c’est très gentil de ta part, tu n’y étais pas oblig…
– Je sais, répondit-il maladroitement en lui coupant la parole qui plus est.
Il ne voulait pas trop s’attacher, il avait en mémoire que les personnes qu’on aime peuvent mourir. La blessure du départ de Tchyéstskoy était encore présente en lui. Il essaya de changer de sujet pour faire passer inaperçue cette maladresse.
– Allons chercher ton sac ! Et sans tomber dans le trou cette fois ! Dit-il en rigolant pendant qu’il marchait jusqu’à l’objet.
Il le ramassa, celui-ci était assez chargé à la vue de son poids mais rien d’exagéré non plus. Il le mit entre ses deux mains devant son torse pour s’apprêter à le lancer à son nouvel ami lorsqu’il se stoppa dans son élan. Au lieu de le lui lancer il s’approcha de celui-ci doucement tout en examinant de plus près un détail qui l’avait interpelé à l’instant. Un insigne avec un nom dessous était cousu sur le dos du sac. Il se tut et tendit le sac au jeune homme en souriant – même si ce dernier ne pouvait le voir derrière son masque à gaz.
– Tiens Sam, voilà ton sac. Et le mystère de ton prénom est résolu, dit-il amusé en lui montrant le nom sous l’insigne.
– « Sam Davis » lit-il sur le sac, ça me va plutôt bien non ?
Il enfila les bretelles de son sac sans regarder ce qu’il contenait et attendit de voir ce que l’inconnu voulait faire.
– Allons par là, dit-il simplement.
Ils marchèrent sur la neige molle dans le calme de la nature durant plusieurs heures. Ils parlaient de temps à autre puis reprenaient le silence. Ni l’un ni l’autre ne se sentait obligé de parler pour occuper l’espace sonore. C’était une belle preuve de leur entente respective et de leur amitié naissante. Il en était d’autant plus étonnant que Sam n’avait pas vu le visage ni même entendu la vrai voix de ce mystérieux personnage. Lors d’une conversation comme une autre, il demanda :
– Qu’as-tu dans ce fourreau derrière toi ?
– Une épée, répondit-il d’une voix lente et sereine.
– Elle a l’air ancienne et très belle, je peux la v…
– Non tu ne peux pas la voir, répondit-il en lui coupant encore la parole comme s’il devinait ses pensées. Il ne vaut mieux pas, ajouta t-il en le plongeant encore plus dans la curiosité malgré lui.
– Très bien, je comprends. Désolé !
La lumière ambiante commençait à faiblir, la journée était vite passée grâce à cette rencontre fortuite. L’homme masqué s’arrêta. La matinée avait fort mal débuté mais la soirée allait l’aider à oublier.
– Nous passerons la nuit dans cette caverne là-bas.
Sam remua la tête de bas en haut avec un sourire d’étonnement.
– Avec toi tout à l’air toujours si facile ! Tu t’arrêtes car la nuit tombe et hop une caverne s’offre à nous ! Tu prédis tout ou tu as une chance inouïe ?!
– C’est un peu ça… Non c’est l’expérience, voilà tout.
La neige était noire et la nuit était tombée quand ils arrivèrent enfin à leur abri. Il s’éclaira de son briquet pour inspecter la grotte, elle n’abritait aucun résidant indésirable. Celle-ci mesurait à peu près quinze mètres carré et bénéficiait d’une entrée coudée assez étroite qui les protégerait suffisamment du vent si celui-ci se levait. Ils allumèrent un feu de camp et se mirent à leurs aises.
– Tiens je t’ai fait réchauffer de la viande Sam. Mange.
– Qu’est-ce que c’est ? Demanda t-il tout en mangeant avec appétit, c’est excellent.
– C’est du Furtac et je peux te dire qu’il est frais. Je l’ai fait cuire hier soir. Je fais souvent cuir ma viande à l’avance quand j’en ai l’occasion, au cas où je ne pourrais le faire plus tard. Je marche sans cesse vers l’inconnu, dit-il en soupirant.
– Et toi tu ne manges pas ?
– Plus tard.
Il ne voulait visiblement pas enlever son masque à gaz devant un autre individu. Le temps passa, ils discutaient de tout et de rien jusqu’à ce que Sam s’interroge sur ses souvenirs.
– Au fait, pourquoi as-tu dis tout à l’heure que je n’avais probablement pas de maison ? Que se passe t-il ici ? J’ai l’impression de découvrir un monde dont j’ignore tout, pourtant je sais que je connais la Terre !
– Je pense que tu as subi un traumatisme qui t’a fait oublier certaines réalités dans le but de te préserver. Tes seuls souvenirs sont ceux d’un passé lointain que tu n’as jamais vécu mais qui était meilleur que notre présent. La Terre n’est plus, et ce depuis bien longtemps. C’est pourquoi nous l’appelons Niflheim, le monde des glaces éternelles. Il n’y a plus d’infrastructure, plus de loi, plus d’administration, plus rien. Juste une poignée d’êtres humains peuplent aujourd’hui cette planète.
– Mais pourquoi ai-je ces souvenirs alors ? J’ai tout inventé ?
– Non. Tout est vrai. Tu l’as certainement appris des anciens qui transmettent notre histoire de génération en génération. Mais aujourd’hui, l’ère glaciaire à remplacé l’ère prospère de nos lointains ancêtres. Il parait qu’autrefois nous pouvions voir les contours arrondis du soleil, moi je ne sais pas à quoi ressemble ce soleil, je vois juste sa faible lueur diffuse derrière les nuages. Tout n’est que chaos et désolation ici. Mais je ne veux pas te faire peur.
– Mais comment cela a t-il pu arriver ? A quand remonte ce passé ?
Il n’eut pour réponse qu’un sage silence.
– Aide moi à me souvenir je t’en prie, insista t-il avec un air de chien battu voyant que son conteur était peu enclin à tout lui dévoiler.
– Très bien, finit-il par céder en regardant le plafond de la grotte. Je vais t’expliquer en détail comment nous en sommes arrivés là. Mais ne m’interromps pas s’il te plait.
Sam se redressa pour bien s’asseoir et s’apprêta à obtenir la vérité… |